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La Cour des comptes a publié son rapport public thématique sur "Les grands chantiers culturels". Un titre incomplet dans la mesure où le document se limite aux seuls chantiers de l'Etat. Ainsi que l'a sobrement exprimé Philippe Séguin dans son discours de présentation, "le bilan que dresse la Cour est critique". Sur la trentaine d'opérations achevées - parmi les soixante étudiées par le rapport, représentant un investissement total de 2,27 milliards d'euros -, la Cour constate en effet "des écarts de coûts supérieurs à 30% en moyenne et un dépassement systématique des délais prévus". Les dérives budgétaires constatées vont ainsi de -4% (restauration du Conservatoire national des arts et métiers) à +80% pour la restauration de la galerie d'Apollon au Louvre, +83% pour les espaces d'accueil du musée d'Orsay et +121% pour le bâtiment du Centre national de la danse de Pantin. En termes de délais, les dépassements du calendrier prévisionnel vont jusqu'à 38 mois pour la salle des Etats du Louvre, 39 mois pour le musée de l'Orangerie et 45 mois pour la Cinémathèque. Outre la complexité intrinsèque de ces opérations, ces dépassements et retards s'expliquent, selon la Cour, par le fait que "trop d'opérations sont lancées sur la base d'hypothèses fragiles et d'estimations financières sommaires".Si les investigations de la Cour se sont cantonnées aux grands chantiers culturels de l'Etat, le constat n'en a pas moins un impact très direct sur les collectivités territoriales. La quasi-totalité des trente opérations étudiées concerne en effet des chantiers franciliens, pour ne pas dire parisiens. Seule exception : le bâtiment du département des recherches subaquatiques et sous-marines à Marseille, dont l'impact budgétaire est au demeurant très limité (4,9 millions d'euros de coût final). Devant cette fracture culturelle, qui rappelle les débats des années soixante sur Paris et le désert français, la Cour constate qu'"au cours de la dernière décennie, la très grande majorité des nouveaux équipements culturels de l'Etat ont été installés en Ile-de-France, cette dernière ayant de surcroît accueilli les plus importantes opérations de restauration de monuments historiques. En regard, les opérations programmées en province par l'Etat apparaissent de moindre importance, et correspondent essentiellement à la reconstruction de plusieurs écoles d'architecture. Le seul projet d'équipement neuf et de grande ampleur, le musée des Civilisations et de la Méditerranée à Marseille, est aujourd'hui suspendu". Pour la Cour des comptes, "la nécessité de financer les écarts de coût des grands chantiers s'est faite au détriment des autres types d'investissements, et notamment des opérations de restauration du patrimoine historique en région". La question du "sacrifice" des régions aux besoins culturels de la région capitale - posée également il y a quelques semaines par les directeurs de salles lyriques de province - est donc plus que jamais d'actualité, rapport de la Cour des comptes à l'appui. Elle pourrait bien revenir au premier plan au cours de l'année 2008.
A front renversé
Curieusement, la question de la décentralisation culturelle trouve un écho, à front renversé, dans les mesures arrêtées par le premier Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP), tenu le 12 décembre sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Le relevé de conclusions concernant le secteur de la culture prévoit en effet que certains musées et monuments nationaux pourront être confiés aux collectivités territoriales, "pour leur permettre de mieux s'insérer dans le tissu touristique et culturel local". Le CMPP a toutefois pris soin de préciser que ce transfert de propriété ou de gestion "se fera sur la base du volontariat, par convention entre l'Etat et les collectivités territoriales qui souhaiteront développer l'activité de ces musées et monuments". Le message est néanmoins très clair : si l'Etat ne renoncera pas à investir dans les grands équipements culturels de Paris et de l'Ile-de-France, il pourrait bien relancer dès 2008 le mouvement de transfert de son patrimoine en région.
Jean-Noël Escudié / PCA
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