24.4.06

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Les mètres carrés fantômes de la Défense
trouvé dans
LE MONDE 24.04.06


Fièrement dressés à la lisière de l'Ouest parisien,
les gratte-ciel de la Défense symbolisent toujours,
vingt ans après leur construction, le rêve d'un
Manhattan français.

Mais, depuis plusieurs mois, une discrète enquête
judiciaire fait trembler sur leurs bases les tours de
verre et de béton et jamais le quartier d'affaires de
la capitale n'a autant mérité d'être appelé ainsi. Au
terme de longues investigations, confiées par le
parquet de Nanterre (Hauts-de-Seine) à la section de
recherches de la gendarmerie de Versailles,
d'importantes infractions au code de l'urbanisme ont
été établies, qui mettent en cause le promoteur
Christian Pellerin et assombrissent le bilan
immobilier de l'ex-Compagnie générale des eaux (CGE,
devenue Vivendi Universal).

Ces découvertes alimentent, selon une source proche de
l'enquête, la suspicion d'une fraude organisée qui
aurait permis la réalisation illicite de "plusieurs
dizaines de milliers de mètres carrés de bureaux"
entre 1996 et 2000 – la même source avance le chiffre
de 45000 mètres carrés, ce qui pourrait constituer la
plus importante violation du code de l'urbanisme
jamais constatée en France.

Longtemps présenté comme l'homme fort de la Défense,
M. Pellerin était alors le consultant attitré de la
CGE – après en avoir présidé la filiale immobilière
Sari. Plusieurs architectes, géomètres et certains de
ses anciens collaborateurs, interrogés entre novembre
et décembre 2005, l'ont désigné comme le concepteur
d'un système de contournement des attributions de
permis de construire et d'agréments à l'édification de
bureaux. "J'assume tout ce qui a été fait", a déclaré
au Monde M. Pellerin – qui n'a pas encore été convoqué
par les gendarmes –, invoquant une "interprétation des
règles de l'urbanisme qui allait dans le sens du
progrès" et niant toute "volonté de frauder".

En reconstituant l'entrelacs des complicités qui ont
permis la mise en œuvre de ces fraudes, l'enquête
éclaire les relations – personnelles et financières –
qu'entretint, quinze années durant, le promoteur avec
les plus hauts dirigeants de l'ex-Générale des eaux.
L'ancien directeur des affaires immobilières, Stéphane
Richard (aujourd'hui PDG de Veolia Transports), et
l'ancien président de Vivendi Jean-Marie Messier, ont
été convoqués et placés en garde à vue par les
gendarmes – respectivement les 9 et 20 janvier.

Le 23 février, c'est Guy Dejouany, patron historique
de la Compagnie générale des eaux et parrain de
l'ascension de M. Pellerin au firmament des affaires,
qui a dû répondre aux questions des gendarmes.

Entourés de la plus grande confidentialité, ces
interrogatoires ont porté sur le degré de connaissance
que tous trois avaient des procédés utilisés par M.
Pellerin et ses équipes.

La découverte de cette affaire des mètres carrés
illicites remonte au printemps 2004. Acquéreurs des
tours Egée, Cèdre et Colisée, situées sur la ZAC
Danton, à Courbevoie (Hauts-de-Seine), deux fonds
d'investissements allemands, Kam Am et West Invest,
avaient relevé d'énormes discordances entre les
surfaces autorisées par les permis et les volumes
construits. Les vérifications de la direction
départementale de l'équipement (DDE) concluaient alors
à l'existence de 7993 mètres carrés illicites sur les
trois immeubles – soit 7% du volume autorisé – et les
services du préfet des Hauts-de-Seine assuraient, dans
une note récapitulative, que "l'administration [avait]
été induite en erreur par les demandes de permis
déposées".

"Nous n'avions aucun moyen de vérifier dans le détail
la conformité des bâtiments", explique, penaud, le
chef de la DDE, Jean Guillot. La fraude alléguée a
consisté, dans chacun de ces immeubles de bureaux, à
déduire de la surface hors œuvre nette (SHON) les
locaux techniques inté rieurs, par extension d'une
règle applicable aux seules constructions de
logements. Nombre de dépositions recueillies par les
gendarmes rapportent que les tableaux de calcul
annexés par les architectes aux demandes de permis de
construire étaient "corrigés" en ce sens par les
collaborateurs de M. Pellerin. Aussi l'enquête,
ouverte le 26 juillet 2004 par le procureur de
Nanterre, Bernard Pagès, retient-elle, outre les
infractions au code de l'urbanisme, les qualifications
pénales de faux et usage de faux et d'escroquerie.

Les enquêteurs semblent avoir élargi leur champ
d'investigation à au moins trois autres tours : Adria
(siège du géant de l'audit Ernst and Young), Vinci
(propriété de M. Pellerin lui-même, louée jusqu'à tout
récemment au cabinet d'audit Mazars et Guérard) et
Balzac (dont la société néerlandaise Corio vient de
dénoncer le bail). Sur ce dernier building, le
dépassement avoisinerait 20000 mètres carrés… "Si l'on
examine avec les mêmes critères tous les immeubles de
la Défense, assure l'un des architectes familiers du
quartier, c'est au moins 100000 mètres carrés
frauduleux que l'on va découvrir!"

M. Pellerin va plus loin, assurant avoir "construit au
moins 700000 mètres carrés à la Défense avec le même
procédé", qu'il justifie par l'évolution du marché
après la crise immobilière du début des années 1990 et
le besoin d'une "nouvelle génération d'immeubles,
conçus pour réduire les coûts énergétiques et
améliorer la qualité de l'air". "C'est pourquoi,
plaide-t-il, on a intégré à chaque étage les locaux
techniques d'où est commandée la climatisation, qui se
trouvaient autrefois sur le toit ou au sous-sol – et
dont la surface pouvait, elle, être déduite. Tout le
monde le savait, y compris l'administration."

Le promoteur a fait valoir cet argument dans un
courrier récemment adressé à Nicolas Sarkozy, en sa
qualité de président du conseil général des
Hauts-de-Seine et de l'Etablissement public
d'aménagement de la Défense (EPAD). Il conteste
néanmoins toute manipulation des chiffres et affirme
n'avoir "jamais participé à aucune réunion sur le
sujet avec les architectes des immeubles concernés".

L'attitude de Vivendi est moins combative. Le groupe a
dû racheter – en juin 2004 – 15 millions d'euros de
droits à construire pour compenser les excédents
découverts et la DDE lui a imposé, ainsi qu'aux autres
propriétaires des tours fautives, un redressement
global de 1,7 million d'euros correspondant aux taxes
impayées sur les surfaces dissimulées. Le maire (UMP)
de Courbevoie, Jacques Kossowski, a en outre constaté
l'invalidité des permis de construire, créant une
situation juridique confuse : sauf à démolir, le code
de l'urbanisme ne prévoit aucune possibilité de
régularisation; les tours illicites sont donc
condamnées… à le rester.

Rattrapés par le passé immobilier du groupe, qui
faillit déjà causer sa perte il y a dix ans, les
dirigeants actuels de Vivendi pourraient demander des
comptes à M. Pellerin. Le contrat d'assistance conclu
en 1995 avec sa société, Investissements études et
diversifications (IED), incluait parmi ses missions
"l'optimisation des surfaces" et "l'optimisation des
rendements de plans" – termes qui peuvent
rétrospectivement apparaître ambigus. Le document
précisait que M. Pellerin serait "seul responsable de
toutes les infractions commises par lui-même ou ses
employés (…) et de toutes les conséquences
dommageables (…) susceptibles d'en découler".

Déjà plusieurs fois condamné par la justice, mis en
examen en 2005 pour abus de confiance dans la gestion
de sociétés civiles immobilières, l'ex-roi de la
Défense est une fois encore en position d'accusé.

Hervé Gattegno

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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